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Crédit immobilier : les 4 obstacles qui bloquent actuellement les dossiers des emprunteurs
01 août 2020

Crise économique et recommandations des régulateurs bancaires ont compliqué la vie des emprunteurs ces derniers mois. Hausse de l'apport nécessaire, règles d'endettement plus stricte... le point sur les durcissements des conditions de crédit.

Les taux moyens des crédits immobiliers se sont élevés en moyenne à 1,29% en juin, toutes durées confondues, selon l'Observatoire crédit logement CSA. S'ils s'éloignent de leur plus bas historique enregistré en novembre (1,12%), les taux restent aussi attractifs que ceux enregistrés en juin 2019, période également marquée par des conditions d'emprunt exceptionnelles. Tout le monde ne peut malheureusement pas en profiter. Car bon nombre d'emprunteurs se heurtent depuis peu à de nouvelles difficultés pour boucler leurs dossiers de prêts. D'une part pour des raisons conjoncturelles - crise économique, recommandations des régulateurs bancaires-, mais aussi pour des raisons structurelles qui caractérisent le modèle français du crédit.

Des profils scrutés à la loupe

Depuis quelques mois, le développement du chômage partiel crée la suspicion chez les établissements de crédits. "De nombreuses banques sont sur le défensive, redoutant que ces mêmes ménages puissent demain basculer définitivement dans le chômage", explique Gérard Skaf, directeur commercial au sein du courtier Immoprêt. Cette prudence généralisée est justifiée selon Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurtaux : "On ne sait même jusqu'à quand l'Etat subventionnera le chômage partiel. La solvabilité des ménages est donc vraiment mise à mal." En particulier pour certains profils travaillant dans les secteurs les plus touchés par la crise l'aéronautique, la restauration ou encore l'hôtellerie... Pour eux, souscrire un crédit dans les prochains mois sera au mieux très compliqué, au pire impossible. "Les employés d'Airbus étaient les clients les plus recherchés avant la crise. Il s'agissait de jeunes employés, aux salaires déjà costauds, avec de belles perspectives de carrière. Leurs dossiers sont maintenant examinés avec beaucoup de vigilance par les banques", poursuit Maël Bernier.

La ligne rouge fixée par Bercy

"Les consignes du Haut conseil de stabilité financière (HCSF) sont appliquées scrupuleusement", constate Gérard Skaf, directeur commercial d'Immoprêt. Fin 2019, cette instance présidée par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a formulé des recommandations aux banques pour resserrer leurs conditions d'octroi de crédit Le HCSF a ainsi demandé aux établissements bancaires de respecter à la lettre la règle d'endettement de 33%, qui prévoit qu'un emprunteur ne peut investir plus d'un tiers de ses revenus nets mensuels dans le remboursement de son crédit.

Les premières victimes sont toutes trouvées : les investisseurs locatifs. Ils représentaient un quart des acheteurs en 2019, un niveau extrêmement haut historiquement souligne Gérard Skaf. Déjà confronté au remboursement de leur résidence principale, ils n'ont plus les moyens de s'endetter à nouveau avec les règles du HCSF. Et ils ne sont pas les seuls à se trouver dans cette situation, car les jeunes primo-accédants et ménages encore plus modestes ne disposant pas d'épargne suffisante doivent s'acquitter de mensualités trop élevées pour eux, les excluant ainsi de la propriété.

Autre problème soulevé par les courtiers : cette règle d'endettement s'applique à chaque emprunteur, sans distinction de revenus. Les professionnels militent ainsi pour que la notion d'endettement soit remplacée par celle du "reste à vivre". Le raisonnement est le suivant : s'endetter à 33% de ses revenus n'a pas du tout les mêmes conséquences lorsqu'on engrange 2.000 ou 8.000 euros nets par mois. "Un couple aisé, sans enfant, endetté à 39% ou même 40% a tout de même largement les moyens de subvenir à ses besoins à la fin du mois" résume Meilleurtaux. De quoi permettre de redynamiser le marché de l'immobilier locatif.

Les exigences d'apport et d'épargne sont revues à la hausse

Les recommandations du HCSF d'une part, et la perte de pouvoir d'achat des ménages d'autre part, ont poussé les banques à durcir les conditions d'octroi de leurs prêts immobiliers. Cela se traduit d'abord par l'apport initial. "Les exigences sont les mêmes pour tous les profils", rappelle Meilleurtaux. D'une part, les financements dits à "110%" - c'est-à-dire comprenant aussi frais d'agence, de garantie et de notaire - sont définitivement enterrés, mais surtout, la part des fonds propres avancés par les clients tournent dorénavant "autour de 15%", précise Maël Bernier. Une hausse sensible comparativement aux 10% que les établissements exigeaient jusque-là. Chez Meilleurtaux, 50% des dossiers déposés en sortie de Covid le sont par des ménages de moins de 35 ans, et parmi eux, 40% ont moins de 5% d'apport. Pour eux, l'équation sera donc très compliquée. "Ces critères peuvent paraître durs, mais c'est quelque chose de tout à fait normal sur les marchés étrangers" nuance Gérard Skaf.

Preuve de ce décrochage des ménages au faible apport, la Centrale de financement a ainsi calculé que la proportion de primo-accédants par rapport au nombre total d'emprunteurs est tombée de 37% à 33%entre juin 2019 et 2020.

Les taux d'usure très faibles

C'est un des effets pervers des taux bas. Lorsqu'ils se positionnent à des niveaux faibles, il en va de même pour les taux d'usure. Il s'agit du taux plancher, au-dessus duquel les banques ont interdiction de prêter. La Banque de France a défini son calcul de la façon suivante : la moyenne du taux annuel effectif global (TAEG) constaté sur chaque dossier de crédit finalisé au trimestre précédent, majoré d'un tiers. Pour un prêt sur 20 ans et plus, le TAEG du deuxième trimestre 2020 s'est élevé à 1,93%, le taux d'usure est donc fixé à 2,57% pour l'été 2020.

Derrière ce mécanisme censé protéger les ménages du surendettement se cache aussi un obstacle pour l'accès au crédit. Des dossiers pourtant solvables se retrouvent interdits de crédits. "Ce sont mécaniquement les dossiers les plus fragiles qui sont exclus, car ce sont eux qui décrochent les taux les moins intéressants", observe Maël Bernier. Pour rentrer dans les clous budgétaires, certains emprunteurs sont donc tentés de faire baisser leur TAEG en abaissant notamment le coût de l'assurance à 50%, en lieu et place de 100%. "C'est une pratique que je déconseille" poursuit la courtière. Une solution simple consiste également à comparer les offres d'assurance de prêt pour faire baisser drastiquement son coût.

Source : Capital.fr

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