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Crédit immobilier : les réponses aux 4 questions que se posent les emprunteurs
18/05

Remontée inexorable des taux des prêts à l'habitat, resserrement des conditions d'octroi, inflation galopante, hausse des prix des logements... les obstacles s'accumulent pour financer à crédit un achat immobilier. Certains acquéreurs risquent d'être écartés de l'emprunt bancaire. Ce qu'il faut savoir.

Mois après mois, les ménages qui veulent contracter un prêt à l'habitat pour acheter un bien immobilier sont confrontés à de nouvelles difficultés. Taux d'intérêt qui remontent, resserrement des conditions d'octroi, inflation galopante qui réduit leur pouvoir d'achat, prix des logements toujours haussiers... les petits grains de sable s'accumulent dans la chaussure des emprunteurs et contrarient de plus en plus leurs projets immobiliers. Zoom sur les principales préoccupations des particuliers candidats à l'emprunt.

Comment évoluent les taux d'intérêt des prêts à l'habitat depuis le début de l'année ?

Les conditions des prêts à l'habitat se sont durcies depuis le début de l'année. Et la montée en température du crédit immobilier s'affirme un peu plus encore en mai observent plusieurs spécialistes du courtage immobilier à la réception des baromètres de leurs banques partenaires.

C'est le cas d'Emprunt-direct.com qui constate la poursuite de nombreux réajustements des taux à la hausse tout au long d'avril et début mai. Ce courtier chiffre le relèvement, pour la période, de 15 à 45 points de base. De même, corrobore Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux, « les derniers barèmes indiquent à nouveau une tendance haussière assez nette. Cette augmentation franche s'est sentie dès le début de mars et se confirme en avril et en mai. »

La poussée de fièvre tourne la page des niveaux de taux des prêts à 1 % auxquels tous s'étaient habitués. Par exemple, par l'intermédiaire de Meilleurtaux, un prêt se négocie désormais à un taux moyen de 1,37 % sur 15 ans, 1,47 % sur 20 ans et à 1,63 % sur 25 ans. Mais, il s'agit de moyennes, et actuellement certains barèmes bancaires dépassent les 1,50 % sur 20 ans.

De même, précise Sandrine Allonier, directrice de la communication de Vousfinancer, « depuis le début de l'année, selon les banques, les remontées de taux ne sont pas faites dans les mêmes proportions : de 0,20 % jusqu'à 0,75 % en moyenne, à début mai. »

Les chiffres communiqués par l'Observatoire Crédit Logement/CSA pour l'ensemble du marché, toutes durées confondues et hors renégociations, attestent du changement de paradigme. Ainsi, depuis décembre dernier, le taux moyen des prêts a crû de 21 points de base, passant de 1,06 % en décembre 2021 à 1,27 % en avril 2022.

Quel est l'impact de la hausse des taux sur le pouvoir d'achat immobilier des ménages ?

Le crédit moins bon marché concerne tous les profils d'emprunteurs y compris les « meilleurs » et ce quelle que soit la durée d'emprunt. Couplé au resserrement des conditions d'octroi du crédit, conséquence des nouvelles règles du HCSF qui s'imposent aux banques depuis le 1er janvier 2022, ainsi qu'à la poursuite de la hausse des prix immobiliers , le relèvement des taux contribue à exclure de plus en plus de ménages du crédit. D'autant, qu'en parallèle, les taux d'usure [taux maximums auquel les banques peuvent prêter, assurance et garantie comprise] ont été légèrement revus à la baisse. Ils devraient être légèrement relevés en juillet. Mais cela restera insuffisant.

« Nombre d'établissements font preuve d'une sélectivité inédite, dans un contexte marqué par un écart de plus en plus restreint entre le taux d'usure et le taux d'intérêt appliqué aux accédants, analyse Alban Lacondemine, président fondateur d'Emprunt Direct. Les conditions sont rendues plus difficiles pour un certain nombre de dossiers portés par des primo-accédants ou même par des ménages issus de la classe moyenne. »

Les établissements de crédit sont plus que jamais sourcilleux quant à la qualité du dossier et multiplient les refus de prêt, qu'ils motivent par l'impact de divers facteurs, dont la hausse des coûts de l'énergie et des matériaux qui pèsent sur le budget des ménages et entament le reste à vivre.

« Outre l'apport personnel et la situation professionnelle de l'emprunteur, les banques examinent aussi en détail son prix d'achat au mètre carré et vérifient que ce dernier soit bien cohérent par rapport aux prix moyens du marché », précise Ludovic Huzieux, co-fondateur d'Artémis courtage. Elles analysent également l'état du bien, son niveau d'isolation et sa consommation énergétique . « Elles sont, par exemple, susceptibles de demander des devis sur les travaux de rénovation à réaliser pour évaluer leur part dans le financement global », prévient-il. Ces précautions concernent aussi bien la résidence principale que secondaire ou encore un bien locatif.

« Si la totalité des emprunteurs bénéficient toujours de crédits à des taux largement inférieurs à l'inflation (4,8 % sur un an, en avril, selon les estimations provisoires de l'Insee), note pour sa part l'Observatoire du Crédit Logement/CSA, depuis le début de l'année, la part des ménages plus aisés se renforce ». En revanche ceux faiblement dotés en apport personnel ont plus de difficultés d'accès au crédit.

« La remontée des taux pèse sur le dynamisme du marché des crédits et contrarie la réalisation des projets immobiliers nourris par de très nombreux ménages », affirme l'Observatoire.

Le resserrement des conditions d'obtention du crédit s'est déjà fait sentir en 2020. La situation s'est encore davantage dégradée à partir de janvier 2022, dans le contexte d'une application stricte des recommandations du HCSF et des déséquilibres supplémentaires provoqués par la guerre en Ukraine.

Et ce n'est pas la nouvelle revalorisation du SMIC en mai qui devrait changer radicalement la donne. Selon une récente étude du courtier Vousfinancer, et qui porte sur le pouvoir d'achat immobilier dans 25 villes de France *, « la hausse de 170 euros nets du salaire minimum par rapport à janvier 2021 n'y sera pas suffisante pour compenser la hausse des prix immobiliers et des taux du crédit. »

Plus que la hausse des taux des prêts, c'est celle des prix des logements et celle des droits de mutation qui en découle, qui écartent en réalité les ménages modestes de l'achat immobilier, estime Cécile Roquelaure, directrice des études d'Empruntis. Les ménages doivent compenser par une épargne personnelle supplémentaire, ce qui devient discriminant.

Le renchérissement du coût du crédit va-t-il continuer ?

La hausse des taux est jugée pérenne par la plupart des observateurs du marché. En cause, l'inflation galopante et la remontée constante depuis le début de l'année du rendement de l'OAT [obligations assimilables du Trésor] 10 ans. Négatif en fin d'année dernière, cet indicateur a dépassé fin mars la barre des 1 % et s'établit à 1,46 % au 13 mai. S'y ajoute, dans ce contexte, le durcissement des politiques monétaires des banques centrales, à l'image de la BCE qui a annoncé une hausse des taux dès juillet .

Toutefois, nuance Cécile Roquelaure, « depuis 15 jours, deux banques, une régionale et une nationale, ont rebaissé leur taux de 0,10 %, estimant qu'elles avaient trop accéléré dans la hausse ».

Ce que confirme Sandrine Allonier « même si les banques sont dans une phase de remontée des taux, ce n'est pas pour dissuader les emprunteurs d'acheter comme cela a pu être le cas dans la période du Covid. Elles sont aujourd'hui contraintes par l'inflation et leurs conditions de refinancement. Mais cela tombe très mal pour elles. Car leurs objectifs commerciaux en matière de crédit immobilier, qui reste un moyen majeur de capter des clients, sont aussi ambitieux en 2022 qu'en 2021. »

A partir de quel moment la hausse des taux des prêts peut-elle faire baisser les prix immobiliers ?

Des agents immobiliers le soulignent : le marché tourne depuis quelques semaines un peu au ralenti avec, parfois, le retour de négociation des prix et le rallongement des délais de vente. Certains acheteurs ont mis leur projets sur pause, persuadés que la hausse des taux va conduire à la baisse des prix. Le renchérissement du crédit peut-il faire basculer le marché ? « Si l'on regarde en arrière, commente Cécile Roquelaure, le retour à un équilibre des forces entre vendeurs et acheteurs se fait sur un temps long, au moins un an. »

Pour l'heure, malgré les hausses de taux, et la reprise de négociation pour certains logements, le marché reste globalement tendu. « De nombreux emprunteurs témoignent de leurs difficultés à trouver un bien qui leur convienne », remarque-t-elle.

Si baisse des prix il y a, elle ne sera pas généralisée. Car la volonté d'acheter (plutôt que louer) est toujours là. « C'est un marché à plusieurs vitesses qui se dessine, estime Sandrine Allonier. Les décotes se feront davantage encore selon l'attractivité des villes, les écarts de prix entre elles et la qualité des biens. »

Source : Lesechos.fr

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